Réflexions : L’équilibre entre efficacité algorithmique et équité sociale : qui doit arbitrer ?

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À l’ère du numérique, les algorithmes façonnent nos vies de manière invisible mais omniprésente. Qu’il s’agisse de recommandations sur les plateformes de streaming, d’algorithmes de recrutement, de systèmes de crédit ou d’outils de modération de contenu, ces technologies promettent efficacité et optimisation. Pourtant, une tension fondamentale émerge : comment concilier la recherche de performance avec l’impératif d’équité sociale ? Et surtout, qui doit avoir le pouvoir de trancher ces arbitrages délicats ?

Le dilemme de l’efficacité versus l’équité

L’attrait de l’efficacité algorithmique

Les algorithmes séduisent par leur capacité à traiter des volumes massifs de données, à identifier des patterns complexes et à automatiser des décisions à grande échelle. Dans le secteur financier, ils permettent d’évaluer rapidement le risque de crédit. En ressources humaines, ils accélèrent le tri de milliers de candidatures. En marketing, ils optimisent la personnalisation des offres.

Ant Group (Alibaba) :  Leur système de scoring « Zhima Credit » utilise l’IA pour analyser des données non traditionnelles (comportements d’achat en ligne, habitudes de paiement sur les plateformes digitales) pour évaluer le risque de crédit de millions d’utilisateurs, notamment ceux sans historique bancaire traditionnel.

Unilever est un cas d’école particulièrement bien documenté. Le géant de la consommation a transformé son processus de recrutement en intégrant l’IA à plusieurs niveaux :

Leur système :

  • Utilisation de l’IA pour analyser automatiquement les CV et lettres de motivation
  • Évaluation des candidats via des jeux en ligne qui mesurent les capacités cognitives et les traits de personnalité
  • Entretiens vidéo différés analysés par IA (analyse du langage, expressions faciales, choix de mots)
  • Algorithmes qui classent les candidats selon leur adéquation avec le poste

Cette efficacité se traduit souvent par des gains économiques substantiels : réduction des coûts, accélération des processus, amélioration des taux de conversion. Pour les entreprises, la tentation est forte de privilégier ces métriques de performance.

Les écueils de l’équité algorithmique

Cependant, l’optimisation pure peut conduire à des discriminations systémiques. Les algorithmes, nourris de données historiques, tendent à reproduire et amplifier les biais existants. Un système de recrutement peut défavoriser les femmes si les données d’entraînement reflètent des pratiques passées discriminatoires. 

Amazon a développé depuis 2014 un système d’IA pour examiner les CV et attribuer aux candidats un score entre une et cinq étoiles. Cependant, le programme désavantageait systématiquement les CV des femmes, car il reflétait l’écart déjà existant entre les sexes parmi le personnel recruté au cours des dix dernières années. L’algorithme était discriminatoire à l’égard des femmes en éliminant leurs C. Amazon a finalement abandonné ce projet.

Pourquoi ce biais ? L’algorithme avait été entraîné sur les CV des employés embauchés dans le passé, majoritairement des hommes dans les postes techniques. Il a donc appris à favoriser les profils masculins.

Les modèles de traitement du langage naturel sont susceptibles d’associer certains métiers à un genre, perpétuant ainsi le biais de genre. Par exemple, ces systèmes peuvent associer automatiquement « infirmière » au genre féminin et « ingénieur » au genre masculin.

Lorsque le biais algorithmique n’est pas corrigé, il peut perpétuer la discrimination et les inégalités, causer des dommages juridiques, nuire à la réputation et éroder la confiance.

Ces exemples montrent que l’IA, loin d’être neutre, peut amplifier les discriminations existantes si elle n’est pas conçue avec des précautions éthiques rigoureuses.

Conclusion

La conciliation entre efficacité algorithmique et équité sociale ne relève pas d’un choix binaire mais d’un équilibrage dynamique et contextuel. Les entreprises qui sauront intégrer cette dimension sociétale dans leurs stratégies technologiques prendront une longueur d’avance, tant en termes de conformité réglementaire que d’acceptabilité sociale.

Fabienne DUMONT
Professeur Permanente EGC Tarbes

Fabienne DUMONT professeur permanente à l’EGC Business School OCCITANIE Campus de Tarbes est titulaire d’un MASTER 2 en Stratégie Commerciale et Marketing. Elle intervient en Stratégie Marketing. Passionnée par la formation elle cherche à faire évoluer ses pratiques d’enseignement et en s’appuyant de plus en plus sur l’utilisation de l’IA.

Bibliographie

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